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Perspectives 01-07-2020

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Transition vers une énergie propre et reprise économique durable

M. Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), donne son point de vue sur l’industrie de l’énergie et explique pourquoi les investissements dans les énergies propres sont essentiels pour favoriser une reprise verte.

La pandémie de la COVID-19 a créé un choc sans précédent pour les sociétés et les économies du monde entier. La pandémie a provoqué d’immenses pertes et de grandes souffrances humaines, et a poussé les systèmes de santé à leurs limites. Elle a également entraîné une perturbation massive de l’activité économique mondiale et des systèmes énergétiques qui la soutiennent.

Selon le rapport Global Energy Review 2020 (analyse énergétique mondiale) de l’AIE, l’année  2021 devrait afficher la plus forte baisse de la demande énergétique mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale. La diminution annuelle prévue de six pour cent, qui est le résultat de la baisse spectaculaire dans les secteurs des transports et du commerce et d’autres activités économiques, équivaudrait à la perte de la totalité de la demande énergétique de l’Inde.

Les répercussions stupéfiantes de la pandémie sur le monde de l’énergie deviennent encore plus troublantes lorsque nous analysons les tendances en matière d’investissement. Au début de 2020, les investissements énergétiques mondiaux étaient en voie d’atteindre une croissance d’environ 2 %, ce qui aurait constitué la plus forte hausse annuelle en six ans. Mais après que la COVID-19 eut paralysé en quelques mois de larges pans de l’économie mondiale, il est maintenant prévu que les investissements mondiaux chuteront de 20 %, ce qui représente près de 400 milliards de dollars de moins que l’année dernière, selon le rapport World Energy Investment (investissements mondiaux dans l’énergie) 2020 de l’AIE. Cette baisse serait la plus forte de l’histoire et les investissements devraient diminuer dans tous les grands secteurs cette année, qu’il s’agisse de combustibles fossiles, d’énergies renouvelables ou d’efficacité énergétique.

Le ralentissement des investissements consacrés aux principales technologies énergétiques propres risque également de compromettre la transition indispensable vers des systèmes énergétiques plus résistants et durables.

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’énergie devraient afficher une baisse record cette année, mais il n’y a pas lieu de se réjouir. Ce déclin est le résultat de décès prématurés, de la souffrance généralisée et de nombreuses difficultés économiques. Si nous voulons réduire de façon durable les émissions mondiales, nous devrons accroître rapidement les investissements dans les énergies propres. La réponse des décideurs et la mesure dans laquelle les préoccupations en matière d’énergie et de durabilité sont intégrées dans leurs stratégies de relance seront déterminantes.

Le secteur de l’énergie, élément central de la transition vers les énergies propres, est fortement touché. La demande d’électricité à l’échelle mondiale devrait diminuer de 5 % en 2020, soit la plus forte baisse depuis la Grande Dépression des années trente. Ces changements abrupts imposent de nouvelles contraintes aux réseaux électriques et démontrent à quel point il est nécessaire d’investir dans les nouvelles technologies et les infrastructures modernes. Mais les investissements mondiaux dans le secteur de l’énergie devraient diminuer de 10 % en 2020.

Les réseaux électriques ont été un élément fondamental vital de la réponse d’urgence à la crise sanitaire ainsi que des activités économiques et sociales, qui se sont poursuivies malgré le confinement. Ces réseaux doivent être résistants et intelligents pour se prémunir contre les chocs futurs, tout en prenant en charge une proportion accrue d’énergie éolienne et solaire. Les tendances actuelles en matière d’investissement constituent des signaux d’alarme clairs pour la sécurité future du secteur de la production l’électricité.

Stimuler la reprise en investissant dans les énergies propres

Alors que les pays sortent de plusieurs mois de confinement, le monde est confronté à une tâche énorme : remettre les gens au travail et relancer la croissance économique. Partout dans le monde, les décideurs politiques élaborent des plans de relance économique d’envergure. Certains de ces plans auront des effets à court terme, tandis que d’autres façonneront les infrastructures pour des décennies à venir.

En faisant de l’énergie propre une partie intégrale de leurs plans, les gouvernements peuvent créer des emplois et stimuler la croissance économique tout en s’assurant que leurs systèmes énergétiques sont plus modernes, plus résistants et moins polluants. Les gouvernements peuvent également tirer des leçons de la réponse à la crise financière mondiale de 2008. La reprise économique qui a suivi a accru la consommation de carbone, entraînant la plus forte hausse des émissions jamais enregistrée.

Alors qu’ils élaborent des plans de relance uniques, les décideurs politiques sont sur le point de prendre des décisions extrêmement importantes, qui vont probablement façonner notre avenir énergétique pendant de nombreuses années. Même avant le début de cette crise, l’analyse de l’AIE avait établi que les gouvernements sont directement et indirectement à l’origine de plus de 70 % des investissements énergétiques mondiaux. L’AIE s’engage à aider les gouvernements en leur fournissant des données fiables, des analyses rigoureuses et des recommandations claires pour les aider à prendre ces décisions cruciales.

Selon les données et les analyses de l’AIE, les investissements dans les technologies énergétiques propres, comme les énergies renouvelables et les procédés qui améliorent l’efficacité énergétique, sont avantageux à bien des égards. Ces investissements permettent de rendre les systèmes énergétiques plus modernes, plus résistants et plus propres, et de stimuler la création d’emplois à court terme, un besoin qui se fait cruellement sentir, tout en améliorant la compétitivité et la productivité économiques futures.

Le contexte actuel offre des possibilités intergénérationnelles. Une planification économique intelligente peut nous permettre de mettre le monde sur la bonne voie pour respecter nos engagements en matière de climat, y compris l’accord de Paris. Nous devons faire en sorte que les principaux piliers de la transition énergétique, comme l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et le stockage dans des batteries, soient des priorités absolues pour la création d’emplois, l’amélioration des infrastructures essentielles et la stimulation de l’innovation.